Interview choc dans mon roman à Jérusalem. Bon, au vu du nombre assez élevé de lectures de cet article, j’aurais bien voulu un peu plus de votes.
Surtout pour un article facile à lire et sympa comme celui-là (voir l’article en question mettant en duel La Sagesse et Too).
Mais c’est un début !
17 votes, voici la capture d’écran du résultat – sympa ce plugin sondage, au passage 😉 :
C’est parti pour l’interview choc dans mon roman à Jérusalem : j’accueille La Sagesse, qui a remporté ce duel par 11 voix contre 6.
— La Sagesse, bonjour, ravie de t’accueillir ici. Peux-tu te présenter en quelques mots ?
— Bonjour à tous, lecteurs fidèles (vous avez intérêt !) de ce blog. Je suis un peu émue de représenter la première interview des Protagonistes. Alors j’ai 20 ans, d’ailleurs je les ai fêtés ce mois-ci, donc si vous voulez m’envoyer votre meilleure recette de cupcakes – c’est mon péché mignon et le seul juron que je m’accorde, avec tous ses dérivés – ou un petit cadeau sympa, c’est le moment !
— Peux-tu nous dire t’où te vient ton surnom ?
— Bien sûr, d’ailleurs je n’aime pas mon prénom de naissance (Esther – ndlr) et presque personne ne m’appelle plus comme ça, à part ma grand-mère (voir qui est Mamie Canari ici). En fait, ce super surnom me vient de mes amis. Très vite, à l’école, ils se sont mis à m’appeler comme ça parce que j’étais… disons assez réfléchie et surtout, je me passionnais pour tout ce qui était la paix, le calme.
— Est-ce que ça aurait un rapport avec la perte très tôt de tes parents ?
— Et même de mon grand frère, oui c’est certain.
— Peux-tu nous en dire plus ? Était-ce dans un attentat ?
— Trop facile, la réponse ! C’était début 96, j’avais 4 ans et demi. Je ne me souviens pas de leur visage, juste quelques souvenirs de câlins avec mes parents et de jeux avec mon frère. Heureusement, il y a les photos. Ce que je me rappelle parfaitement, encore aujourd’hui, c’est cette immense sensation de vide. Je me suis dit exactement : « Pourquoi la guerre existe ? » Et c’est là que je me suis mise à observer beaucoup autour de moi. Puis en grandissant, m’intéresser à des personnages comme Gandhi ou Tolstoï qui l’a influencé. J’ai appris aussi, à mes dépens, que la violence verbale est un vrai fléau.
— Est-ce que tu veux parler de violence verbale à ton encontre ?
— Oui. Comme tu le vois, je suis plutôt ronde, et je subissais les quolibets de certains camarades quand on était en sport. Je m’essoufflais et je transpirais comme une vache qui attend des triplés. Il y a même une prof, en sixième, qui s’était moquée de moi et avait dit un truc du genre : « Ta gourmandise te tuera, Esther ! Paf ! » Non mais t’imagines, dire un truc pareil à une gamine ! J’ai eu la vision, à ce moment-là, de moi ronde comme un ballon en train d’exploser sur tous les élèves en pleine cour de récré, parce que j’étais en train de manger une part de gâteau. C’est là que j’ai découvert que seule la paix intérieure pouvait me sauver. C’était ça, ou devenir assassin. Non je rigole, mais n’empêche, je n’aimais pas sentir la haine bouillonner en moi.
— C’est quand même amusant, si je puis dire, que tu te sois embarquée, excuse-moi l’expression, dans l’armée, alors que tu n’aimes pas l’exercice physique.
— Non, tu as raison, ça semble pas très logique. En fait, j’ai toujours gardé en tête cette phrase de ma prof et c’est à 15 ou 16 ans, je ne sais plus, que j’ai décidé de maigrir. Un peu. Parce que j’étais vraiment grosse, tu sais. Là, à côté de ce que j’étais, je suis un fil de fer. Pas barbelé s’il-te-plaît.
— Non non.
— Merci. Donc j’ai commencé à étudier les régimes, toutes ces choses, et à faire un sport que j’aime bien. La natation.
— Bon, mais comment tu en es venue à vouloir être soldate ? Pas mal de lecteurs s’intéressent de très près à toi…
— Ah bon ? Ce sont des femmes ?
— Ta ta ta, pas touche !
— Mon charme est irrésistible.
— Justement, pas touche. Bon, sérieux. Ils s’interrogent sur toi, parce qu’ils savent (pour ceux qui ont suivi) que tu es bouddhiste et dans l’armée. C’est paradoxal, non ?
— C’est vrai. Et comme j’aime les choses compliquées, j’en rajoute dans la sauce en étant homosexuelle. Ça m’a pris comme ça, d’un coup. J’avais 12 ans.
— (Rire)
— En fait, dans l’ordre ça s’est manifesté comme ça : d’abord, lesbiche, ensuite sur la voie du bouddhisme (j’y tiens car je ne suis pas encore bouddhiste) et enfin engagée pour mon pays. Parce que c’est comme ça que je le vois. Enfin pas que, mais bon. Un jour, je suis tombée sur un prospectus, une pub je ne sais plus, qui parlait d’une association israélienne pour la paix grâce au bouddhisme. Comme je m’intéressais depuis toute petite à la paix, la violence et tout ça, et qu’entre temps, j’avais sympathisé avec le Dalaï-Lama, je suis allée…
— Sympathisé avec le Dalaï-Lama ?
— Simple fantasme. Mais depuis, je me suis passionnée pour cette philosophie. Et je suis partie dans un monastère.

— Raconte-nous. C’était où ?
— Dans l’Himalaya. Au Népal. Là-bas, j’avais vraiment l’impression d’être moi. D’être entière. Et sereine. Ça a été une révélation.
— Peux-tu nous dire en gros comment était cette vie de… moine ? C’est ouvert à tout le monde ?
— Il faut prévenir un peu avant, soit par relations, soit par lettre, mais oui a priori. Cela peut dépendre des monastères, mais là où je suis restée 1 mois, c’était comme ça : lever à 4 h pour la méditation-prière pendant une heure. Je te dis pas mes genoux les premiers temps ! Ensuite les tâches quotidiennes : balayer les couloirs, récolter les fruits et légumes dans le potager et préparation du repas. On mangeait le matin à 8h (j’étais affamée et pourtant j’ai maigri) et le soir, c’est tout. Et je n’avais pas faim à midi, tu te rends compte ? Ensuite de 10 h à 15 ou 16 h, tu fais ce que tu veux. On pouvait méditer, se promener, lire, discuter un peu car on ne pouvait pas bavarder plus que nécessaire. Ces temps de silence m’ont fait du bien, même si je les redoutais au début.
— Et le soir, vous faisiez quoi ?
— Après venait la pause thé, très important. Puis le repas, et enfin une dernière séance de méditation avant le coucher, à 20 h ou 21 h.
— Je vois que tu aimes ce qui est réglé. C’est le cas aussi de l’armée, n’est-ce pas ?
— Par un cupcake défrisé, je suis percée à jour ! Oui, il faut croire, mais c’était pas volontaire de ma part.
— Bon, parle-nous de ton engagement militaire. Comment c’est venu après ce séjour en monastère bouddhiste ?
— En fait, j’ai commencé dès mon retour d’Asie à pratiquer le bouddhisme, j’ai acheté des livres, lu beaucoup à ce sujet. Et puis, c’est là que je l’ai rencontrée.
— Ah ! Qui donc ? Une chérie ?
— Pas vraiment. Une femme exceptionnelle, vraiment… je ne trouve pas les mots pour la décrire. C’était une Arabe Chrétienne. Ici à Jérusalem. Quand je l’ai connue, elle était déjà officier de Tsahal.
— Était ? Dis-moi, ne me dis pas que…
— Non, elle va bien ! (rire) Aujourd’hui, elle est encore montée en grade.
— Bon, il y a donc des Arabes, et même des Chrétiens qui peuvent avoir leur place au sein de l’armée ? Parle-nous de Tsahal, tu veux bien ?
— Avec plaisir. Oui c’est une armée très tolérante, qui accepte même les couples homosexuels. Ils sont en pourparlers pour accorder aux couples avec enfants la reconnaissance de leur statut, permettant de ne pas être mobilisés en même temps. Elle accueille aussi les Palestiniens gays qui seraient persécutés.
— Là tu m’en bouches un coin. C’est à l’opposé de l’armée des Etats-Unis.
— Le Tsahal est une armée à part, dans le monde. Elle vise l’excellence et prône la pureté des armes dans son code de conduite.

— Pureté des armes ? Vraiment ? Tu peux naviguer entre la pureté des armes au Tsahal et la pureté des âmes dans le bouddhisme ?
— Oui, mais pour être sincère, ce n’est pas toujours facile. A la suite de ma rencontre avec cette femme Arabe Chrétienne, dont je tairai le nom, je me suis intéressée au Tsahal. Elle m’en parlait avec tant de passion, de dévouement ! Elle m’a fait comprendre que c’était un engagement important pour notre pays. C’est une armée de défense qui a toujours vaincu les armées arabes. Qui cherche à détruire toute velléité arabe d’avoir des armes massives.
— J’espère que tu ne répètes pas un discours d’endoctrinement, La Sagesse.
— Non, tout ce que je te répète, je l’ai expérimenté.
— Donc tu nies que l’armée israélienne puisse participer à des massacres palestiniens ?
— Absolument. Ce sont des racontars répandus par ses détracteurs. Tsahal est l’armée la plus morale du monde, vraiment. Elle lutte contre le terrorisme. Ses critères éthiques la placent en dehors de ce qu’on connaît des armées, de toute façon. C’est pas pour rien, tu sais, si elle a mis en place des unités avec des enseignants-soldats. Ils se dévouent entièrement à l’éducation de jeunes en difficulté et aux nouveaux immigrés.
— Est-ce que vous possédez le nucléaire ?
— Je ne suis pas autorisée à répondre.
— Est-ce que vous avez des problèmes dus à l’intolérance religieuse, avec tout ce brassage de croyances ?
— C’est drôle que tu en parles. Certains soldats portent en permanence la kippa. Des sionistes religieux. Ils remettent en cause l’éthique militaire, à cause de ce qu’ils ont appris dans leurs écoles religieuses. Du coup, ça crée des conflits parfois. Alors l’armée a dû réviser sa politique.
— Que penses-tu des religions en général ?
— Je pense qu’elles bousillent le monde plus qu’apporter l’amour ou la compassion. C’est pour ça que je n’étais pas croyante. Le bouddhisme m’aide à me retrouver, à faire le bien, à m’extraire des tensions quand c’est nécessaire. Il m’a apporté la sérénité et l’acceptation des difficultés du monde.
— Ok je comprends. Mais pourquoi… enfin pourquoi l’armée ? D’accord, c’est pas une armée comme les autres, elle défend Israël dans sa position géopolitique particulière. Mais c’est l’armée la plus puissante du Proche-Orient, qui est aussi leader dans la technologie des drones de surveillance. Et tu n’ignores pas qu’Israël est aussi l’un des plus grands fournisseurs d’armes de l’Inde ?
Silence…
— Je sais, c’est paradoxal. Je suis paradoxale. Je vais te révéler un secret. Uniquement pour tes lecteurs. En fait, la principale raison de ma présence dans l’armée, malgré mes convictions de paix, c’est pour une cause. Je suis fondamentalement… haineuse des terroristes. Du terrorisme en général. J’essaie de lutter contre ce sentiment en pratiquant la compassion bouddhiste, mais… c’est tellement difficile ! Vraiment, j’essaie de trouver un équilibre entre ma haine et l’amour universel de mon prochain. Tu sais, Tsahal lutte activement contre l’armement des terroristes.
— Donc après t’être tournée vers le Bouddhisme, tu as laissé parler ta… violence intérieure et tu t’es engagée dans l’armée ?
— Pas tout à fait. J’avais déjà cette haine. Je cherchais par tous les moyens à la discipliner, à l’effacer. Et puis je suis tombée sur… cette femme de l’armée. J’étais tombée très amoureuse d’elle. J’ai embrassé sa cause, et voilà. Je me dis que je peux participer, à mon niveau, aux démantèlements des réseaux terroristes armés. Je l’espère !
— La Sagesse, il est temps de se quitter. J’espère vraiment que les lecteurs auront su apprécier tes confidences. Je te remercie et te souhaite une belle fin de semaine !
— Merci Marjorie, à très vite j’espère.
Intéressante interview. qui donne envie de connaître un peu plus cette Sagesse! Paradoxale, ça serait le mot qui me viendrait en premier pour la décrire mais en même temps, dans un sens plutôt positif. (ça aussi c’est paradoxal)
J’aime les personnages pleins de paradoxes moi aussi. Dans ce cas, c’est un peu extrême… il va falloir choisir à un moment, ou peut-être devenir schizophrène :/
Je t’avoue que certains passages me font grincer des dents, concernant les arabes et « l’armée la plus morale du monde ». Rien à voir avec ton style que j’adore hein, je parle bien de l’opinion du personnage. Mais là je dois dire que ça touche à des choses qui me révulsent et je ne suis pas objectif. Ses propos me laissent un goût amer.
Soyons positif, je suis bien content qu’elle ne soit pas ton personnage principal 🙂
Quel interview surprenant !
Je découvre la Sagesse dans sa complexité, ses contradictions justifiées mais inconfortables, et les cicatrices de son enfance…
Et je relève son invitation : voilà des recettes de cup-cakes savoureux du célèbre Ricardo (célèbre au Québec notamment)
Joyeux anniversaire, Esther La Sagesse ! Régale-toi 😉
http://p7.storage.canalblog.com/79/16/497456/40613103.jpg
Merci Nathalie !
Je suis contente de vous faire découvrir un peu plus La Sagesse, elle n’en sera que plus attendue dans le roman.
Merci pour la référence aux cup-cakes (et pour la belle image), je ne connais pas Ricardo mais peut-être qu’elle oui…
waouh ! bravo Marjorie et merci à toi La Sagesse de t’être prêtée au jeu ! bluffante cette interview ! j’en apprends encore un peu plus sur Israel…
Ce roman n’a pas fini de m’étonner ! La Sagesse est tellement humaine que l’on pourrait s’attendre à la croiser un jour dans la rue ! impressionnante cette petite bonne femme pleine d’antagonismes. Un roman à elle toute seule ! d’ailleurs la voilà qui se promène maintenant dans notre réalité. Bichonne-la bien Marjorie. Elle ira loin cette petite ! …
Merci Agnès !!
Oui, c’est un moyen sympa d’en apprendre sur Israël, comme ça sans en avoir l’air lol.
Il se peut qu’un jour, elle sorte de sa prison de papier, qui sait 😉
Ah je suis contente d’avoir le point de vue de la Sagesse. Etonnante cette jeune femme pleine de paradoxes et de conflits de valeurs. Attachante même si elle semble complètement endoctrinée.
Heureusement qu’elle a connu le bouddhisme avant l’armée sinon je me demande comment sa haine se serait orientée.
Bravo Marjorie ! tu as ajouté encore plus de paradoxes sur ces motivations. Entrer dans l’armée par amour est en soi un sacré paradoxe aussi ! j’ai hâte de voir comment elle évolue en situation de stress car elle me semble vraiment très en conflit avec ses valeurs et ses croyances et par conséquent très fragile. J’ai le sentiment qu’elle peut basculer du côté obscur de la Force à n’importe quel moment . Mission accomplie, tu as suscité encore plus ma curiosité quant à son évolution.
Merci Marjorie, et moi je suis contente d’avoir ton ressenti. Je l’attendais avec anxiété car je savais que tu étais très impatiente de connaître La Sagesse et ses paradoxes.
Oui, elle a un sacré parcours.
De quel côté de la Force va-t-elle basculer ?
Le roman le dira.
Ravie d’avoir attisé encore plus ta curiosité, sacré défi pour moi te connaissant 🙂
est-ce vrai ce qu’elle dit au sujet de l’armée israélienne qui accepte les couple homos ou est-ce une pure invention de ta part ?
Coucou Jennifer, question très pertinente.
Figure-toi que j’ai halluciné car… c’est la réalité !
Est-ce mis en application, ça c’est autre chose, mais l’info est là : http://tsahal.fr/2015/06/11/tsahal-facilite-la-condition-des-couples-homosexuels/
ils ont appelé leur fille « or »… les commentaires qui suivent laissent franchement à désirer, comme d’hab’
bravo pour cette interview de la fameuse Sagesse ! Et moi qui croyais qu’elle n’avait que 8 ans ! (je ne sais pas pourquoi)
J’adore ton style enlevé, drôle et percutant.
A vrai dire, je suis perplexe sur cette soldate comme tu dis qui essaie d’être en même temps bouddhiste. Mais plus un personnage est paradoxal, plus il devient intéressant dans sa complexité !
http://danny-kada-auteure.com/interview-de-marc-a-adepte-de-la-survie
Merci Danny, oui dans le passage qui mettait en scène La Sagesse et sa grand-mère Mamie Canari, celle-ci parlait d’un attentat où La Sagesse avait 8 ans, effectivement 😉
Je te remercie de ta franchise, c’est vrai que c’est un sujet délicat, et un paradoxe plutôt dur à avaler. Tu as bien remarqué en effet qu’elle essaie d’être bouddhiste, elle ne l’est pas et n’y arrivera peut-être pas.
J’aime les personnes paradoxales, ce qui dénote la richesse et la complexité de l’humain.
Le problème de l’armée est également soulevé dans cette interview, car une armée reste une armée qui peut tuer parfois des civils. Pour l’instant, La Sagesse n’a tué personne et n’en a pas l’intention, elle est dans une unité qui ne va pas sur le terrain, mais qu’en sera-t-il si elle est amenée à le faire ?